Épisode 7 – Une bouteille à la mer
À la suite de nos discussions avec Manu et Antoine, quelques bribes d’échanges avec mon père me revenaient à l’esprit. Il m’a parlé de la fermeture de la brasserie, des « trésors » qu’il a récupérés et qui reposent à présent dans la cave : des tonneaux, des verres, des casiers, mais surtout des bouteilles de « Vieille Saison ».
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La première chose que j’ai fait en repartant de Boussu avec Manu, ce fut d’appeler mon père pour vérifier mes souvenirs et confirmer ce que j’espérais de tout mon être :
– Papa, tu ne m’as pas dit un jour que tu as gardé des bouteilles de Saison à la fermeture de la Brasserie ?
– Oui, j’ai récupéré des bouteilles à la cave… Il doit en rester une encore pleine et encapsulée. Mais je dois vérifier.
Le week-end suivant, je suis retournée à Baudour pour visiter mes parents et mon père m’a fait le plus beau cadeau du monde : il avait retrouvé une bière encore « intacte » dans la cave.
Je n’en reviens toujours pas ! Cette bouteille date des derniers brassins réalisés par la Brasserie, fin 1970’s, 1980 max. Je me suis projetée dans un beau film, créé par mon imagination débordante et optimiste, où je me vois extraire la levure et ressusciter la « Saison Colmant ». Un peu comme en Australie, où un musée en association avec des brasseries travaillent à faire revivre une bière vieille de 220 ans, à partir de la levure trouvée dans une épave (source : Sciences et Avenir). Du coup, ça doit être un jeu d’enfants pour une bière vieille de 40 ans… Non ? Je me suis vue annoncer la nouvelle à mon père : « Papa, on a la levure, on relance la Saison… Que dis-je ? Viens, on relance la Brasserie ! » TOUT EST POSSIBLE ! (Je m’emporte un peu…)
A ce moment précis, je ne conçois plus m’arrêter. Une découverte pareille – si cela fonctionne – peut changer ma vision, mes objectifs, mon avenir… Tout lâcher pour apprendre le métier de brasseur (ou plutôt de brasseuse) : le rêve, non ? En tout cas, pour moi, ça l’est ! Et aller plus loin : relancer la production familiale, refaire vivre un nom, le mien, celui de mon père.
Je vous parle beaucoup de lui dans cette histoire, en bonne « fifille à son papa », car vous l’aurez sûrement compris : l’héritage, le patrimoine, qu’il soit génétique ou culturel, a beaucoup d’importance pour moi. Lorsque votre famille bâtit une entreprise, qu’on vous en parle depuis toute petite, qu’il devient une fierté, rempli d’histoires, de légendes, vous le transformez en une force, une part de vous-même et il vous est impossible de vous en séparer. Et mon père est la personne représentant parfaitement cela : la force tranquille (sauf quand il bricole et que ça ne se passe pas bien… True story). Il est l’homme qui a du vivre avec cet héritage depuis son plus jeune âge, avec ses bons mais aussi ses mauvais côtés… Il est l’homme qui a vécu cette époque entrepreneuriale faste, mais également sa chute et la perte de membres chers. Cela va vous paraître ridicule peut-être, mais mon père est un héros. Lorsque une personne vit autant de drames, entame une descente aux enfers, mais réussit à remonter la pente avec la volonté de s’en sortir et en acceptant l’aide de ceux qu’il aime, alors cette personne mérite le respect (et l’amour inconditionnel) de sa descendance. Alors La Petite Fille Colmant, ce n’est pas seulement mon histoire, mais c’est (surtout) une preuve d’amour. Et si j’arrive à aller au bout de ce projet brassicole, ce sera grâce à lui.
[Séquence émotion terminée, retour sur cette bouteille miraculeuse !]
Antoine avait ses entrées à Gembloux (ce VIP) et m’avait proposé de récupérer la bouteille pour la faire analyser et voir si des levures étaient exploitables. Je lui ai donc donné le Graal quelques jours plus tard, impatiente d’avoir la réponse (Spoiler Alert : 6 mois plus tard, je bouffe encore le canapé d’impatience).
Un commentaire
gabriele
Bref. Un grand cru ce N°7.
Bon, on le déballe quand le n°8 ?!
#impatiente